Nico et Damien, interview croisée

 

A l’initiative du papa, Gilles Seguin, père de 2 grands champions, EndorphinMag.fr vous dévoile une interview croisée exclusive de Nicolas Seguin dit « Colo », raideur du team Naturex 400team, récent 3e au Championnat du Monde de Raid Aventure à la Réunion (ARWC – Raid In France) et Damien Seguin, triple médaillé paralympique de voile (médaille d’or aux Jeux d'Athènes en 2004, médaille d'argent à Pékin en 2008 et médaille d’or à Rio) et skipper de la Route du Rhum 2018 (sa 3e RDR) où il termine 6e en catégorie IMOCA sur « GROUPE APICIL ».

 

 

Gilles Seguin : Présente ton frère… son caractère, sa personnalité…

 

Damien Seguin : Colo est mon demi-frère qui a 7 ans de plus que moi ; on n’a pas grandi ensemble et je ne le voyais que pendant certaines vacances. Cette différence d’âge a fait que forcement c’était un modèle que j’idolâtrais beaucoup. Quand on se voyait il faisait forcement tout mieux que moi ; il courait plus vite, jouait mieux au foot, faisait du bicross comme un dieu… Puis il est devenu un vrai sportif dans le sens où il est passionné et addict à l’effort physique. Entre nous je le prends quand même pour un fou de faire ce qu’il fait, c’est dingo non ?

 

Nicolas Seguin : Damien c’est le grand petit frère, le bricolo, le touche à tout. Toujours le sourire aux lèvres, à croire qu’il prend tout à la légère. Halte là, force de caractère ! La voile c’est bien, un métier comme papa ce n’est pas mieux mais c’est indispensable pour la « survie alimentaire » en cas de couac avec la voile. Damien est donc prof d’EPS et professionnel de la voile.... grosse détermination, avec tout ça il a aussi fondé une famille (1 gars 1 fille). Une vie à 200 à l’heure.

 

Damien Seguin Apicil

 

Gilles Seguin : Suivez-vous vos carrières respectives ?

 

Damien Seguin : Oui forcement c’est mon Frangin ! Je suis un fan de sport et je regarde un peu tout le temps ce qu’il se passe en termes d’événements et de résultats. L’avantage avec le Net est qu’en fouillant un peu on trouve tout, pas uniquement les sports les plus médiatiques, et puis les sites d’épreuves sont bien fait maintenant avec les balises de suivi. On ne se voit malheureusement pas assez souvent, il a plein de qualité mais il a eu la mauvaise idée de s’installer à Dijon là où il n’y a pas la mer …

 

Nicolas Seguin : Le suivi de ses exploits ne se fait pas au jour le jour, mais la famille est grande, toujours quelqu’un pour nous apporter des news. Ensuite, les grands rendez-vous sont programmés et à leur approche, les ”dotwatcher” se mettent en place.

 

 

Gilles Seguin : Petits, quels étaient vos rêves de « grands » ? Comment êtes-vous « tombés » dans la voile et le raid aventure ?

 

Damien Seguin : Déjà j’ai grandi dans une famille de sportifs, ça conditionne un peu ce que j’ai pu faire le WE ou les vacances… Après je pense que pour toute passion il y a forcement un moment déclencheur. Le mien a été la Route du Rhum 1990 ; On venait de déménager en Guadeloupe et j’ai vu du haut de mes 10 ans arriver à Pointe à Pitre ces Skippers sur leur Grands Bateaux, les Arthaud, Poupon, Birch, Bourgnon… ça m’a un peu fasciné et c’est là que je me suis dit que je voudrai moi aussi traverser l’Atlantique sur un voilier. Quelques semaines plus tard j’étais inscrit dans un club de voile !

 

Nicolas Seguin : Petit, on veut faire comme papa ! On va donc faire du sport ! Mais on écoute aussi maman, alors on étudie et on trouve un job plaisant. Je n’ai pas eu un rêve de carrière de sportif de haut niveau, ni un rêve de me donner corps et âmes dans mon métier (passionnant au demeurant). Le raid aventure est arrivé sur le tard après des cycles sportif de 10-15 ans. Au commencement le triathlon, puis le ski de fond, puis le raid et la course d’orientation. Pour ces 3 types ”d’activités”, il a fallu, à chaque fois partir de zéro. Pour le raid, c’est Fred un copain de lycée, "tu devrais essayer, c’est génial".... Effectivement, pratiquer des sports individuels en équipes c’est fabuleux.

 

 

Gilles Seguin : Début novembre, vous étiez en simultané sur 2 épreuves internationales, comment avez-vous suivi la progression de l’un et l’autre ? A quel moment de la journée, avez-vous pensé à l’autre ?

 

Damien Seguin : Pas vraiment simple de suivre Colo au milieu de l’Atlantique avec une connexion internet très limitée, heureusement il y avait Papa qui me donnait des nouvelles de son avancée et de son classement quand je l’avais par mail ou par téléphone. J’ai suivi son aventure les différentes disciplines et l’incroyable finish en léger différé mais avec en prime les commentaires du Padré.

 

route du rhum 2018

 

Nicolas Seguin : Excellent le suivi de la route du rhum !! Béatrice G suivait sur le terrain l’arwc pour Endorphinmag, j’avais donc des news de Damien à chaque fois que je la croisais sur les transitions.

 

 

Gilles Seguin : Avez-vous déjà imaginé comment (nous, la famille et les proches) nous suivions vos aventures aux 4 coins de la planète ?

 

Damien Seguin : Forcément c’est un peu plus compliqué de me suivre que de regarder un match de foot ! Une traversée de l’Atlantique dure en moyenne 14 jours et il n’y pas de tribunes…. Heureusement les sites internet ont une interface avec une belle cartographie et donnes les nouvelles du bord et la météo. Du bord j’envoie quelques photos et vidéos, mais surtout j’ai le téléphone satellite. Et je n’ai jamais autant mes proches au téléphone que pendant une course offshore… Mais je ne sais pas complètement comment ils vivent le rythme de ma course, les moments compliqués voir dangereux. Moi je suis dans l’action, pas eux mais et il est certainement facile de se faire du mauvais sang quand on imagine un petit bateau dans une tempête sur un grand océan… mais j’ai confiance en eux et ils on confiance en moi, c’est le plus important ! Chacun vit la course à son rythme mais une petite souris me dit qu’il y a quelques nuits blanches devant l’ordi pour certains et quand je vois leurs têtes à l’arrivée je me dis qu’il était temps que ça se termine ….

 

Nicolas Seguin : Bien sur ! Comme des crèves la faim !!(sourire). Utilisation massive de la touche réactualisation écran, réveil nocturne.... Analyse des traces et usage abusif des réseaux sociaux !!!

 

 

Gilles Seguin : Quels sont vos projets sportifs en 2019 (et après ?) ?

 

Damien Seguin : Le programme est bien rempli ! La course majeure sera la Transatlantique Jacques Vabre en Novembre du Havre à Salvador de Bahia au Brésil. l’objectif est d’avaler des Milles en mer en vue du Vendée Globe 2020 (NDLR : Course en solitaire et sans escale autour du monde, 90 jours). La saison 2019 va me permettre de me préparer et d’optimiser mon bateau. La spécifié de la voile est que c’est un sport mécanique avec toute la mise au point, l’optimisation et la recherche de fiabilité que cela demande. Tout le début d’année est donc consacré au chantier sur le bateau, la remise à l’eau se fera mi-Avril et le début des régates en Mai. Je vais enchainer les courses en Solo, en double et en Equipage.

 

Nicolas Seguin : Des projets familiaux qu’ils soient sportifs ou extra sportifs. Et aussi continuer l’aventure raid long avec Naturex.

 

 

Gilles Seguin : Vous avez tous les deux à peu près un parcours similaire. En voile, Damien a commencé par la voile dite Olympique, c’est à dire entre des bouées. Pendant ce temps là, Colo triathlonnais sur des courtes distances. Des compétitions de quelques heures en somme. Vous êtes tous les deux passé sur de l’ultra, des longues voire très longues distances. Qu’est ce qui vous a mené à cette métamorphose ?

 

Damien Seguin : J’ai un parcours un peu singulier dans le petit monde des voileux. Passer de l’Olympisme à la Course au Large n’est pas quelque chose de commun, c’est un peu comme si un spécialiste du 100m se mettait à faire du Marathon. Mais au final il y a une certaine logique pour moi, c’est une évolution que je souhaitais et qui va avec une professionnalisation de ma carrière. Sportivement, j’avais aussi besoin d’évoluer, j’ai tout gagné en paralympique avec 3 médailles aux J.P. (2 Or et 1 Argent), 4 titres de Champion du Monde et 21 victoires sur des Coupes du Monde ; il me fallait de nouveaux challenges engagés. Sortir de la sphère « Paralympique » à celle des « valides » va aussi dans le sens de ce que je souhaite défendre à savoir la mixité du sport.

 

Nicolas Seguin : Avoir osé essayer le long

 

 

Gilles Seguin : Au niveau entraînement et préparation physique, que faites-vous?

 

Damien Seguin : Un travail de fond en cardio deux fois par semaine avec Natation, VTT et Course à Pied. Du spécifique avec du travail de renforcement musculaire du haut du corps car on travail beaucoup avec les bras sur un bateau. J’y ajoute forcement du sécuritaire avec du gainage et de la proprioception pour améliorer mon équilibre et répondre aux spécificités de mouvements du bateau. Mais pour être honnête je ne suis pas un monstre en préparation physique et certainement pas au niveau de Colo ! Du fait de l’absence de main gauche il faut aussi que fasse attention au déséquilibre musculaire entre mon bras droit et gauche, cela pourrait entrainer un tas de complications comme une scoliose ou des tendinites à répétitions. Sur cet aspect mon Kiné-ostéo joue un rôle important.

 

Nicolas Seguin : C’est un entraînement typique d’amateur passionné d’endurance. Avec la chance d’avoir un équilibre professionnel et familial au top. Marie a su se mettre en hibernation sportive pour me laisser préparer sereinement ces championnats du monde

 

 

Gilles Seguin :  Au niveau alimentaire. C’est un régime bien suivi ou c’est « open bar »?

 

Damien Seguin : Sur le bateau le poids est important, j’embarque au moins la moitié de nourriture lyophilisée, le reste est du cuisiné sous vide. En course je fais 4 repas par jour plus des collations avec des barres et des fruits ou de la viande séchée. L’eau est produite à bord grâce à un dessalinisateur. Il n’y a pas trop d’extras mais manger doit aussi rester un plaisir à bord car des fois c’est le seul moment où je peux me poser un peu au sec dans le bateau. Quand je suis à terre je fais attention à ce que je mange mais sans suivre de régime particulier, j’aime bien me faire plaisir…. Chose étonnante, je suis plutôt porté sur le sucré à terre et sur le salé en mer ; je n’embarque jamais de café non plus, trop acide. Mon astuce : remplacer les barres sucrées par du salé (type viande séchée) en navigation de nuit car le fait de mâcher puis de digérer les protéines produit de la chaleur qui m’évite d’avoir froid.

 

Nicolas Seguin : Je laisse libre cours à mes envies. De toute façon, Marie contrôle mes bourrelets périodiquement...

 

endorphinmag ARWC2018

 

Gilles Seguin : D’où vient cette envie, ce besoin de vous dépasser?

 

Damien Seguin : L’envie de progresser, de repousser mes limites et d’évoluer sans cesse dans mon sport me pousse à trouver toujours de nouveaux challenges. Je suis exigeant envers moi-même, je n’hésite pas à afficher des objectifs ambitieux et je suis capable d’endurer des phases compliquées pour arriver à mon objectif. Certainement que cette force de caractère vient de ma famille et de mon handicap. Mais je crois que le vrai moteur est ma passion pour le Sport en général et la Voile en particulier et le fait que je sois un vrai compétiteur qui aime cela ! J’ai accroché en parallèle de ma pratique tout un tas de valeurs autour du Handicap, de la Santé et du Sport pour tous ; je passe beaucoup de temps à mettre en avant ces valeurs que ce soit dans des conférences en Entreprises, dans les Ecoles ou bien dans les Associations. Je crois beaucoup au rôle d’ambassadeur d’un sportif de haut niveau.

 

Nicolas Seguin : Sûrement génétique...

 

 

 

Questions à Gilles : comment on vit une double aventure simultanée comme en novembre dernier ?? Quelles sont vos craintes lors de ces courses ?

 

Gilles Seguin :  C’est également une aventure pour moi. Déjà le fait d’habiter en Guadeloupe me met en décalage horaire dès les départs de course.  Ensuite avec la technologie embarquée sur le bateau et les puces GPS des raiders, je suis les coureurs 24h sur 24. Je me lève la nuit pour suivre les déplacements de chacun. Je cale mes activités en fonctions d’eux. J’enrage quand je vois des erreurs d’orientation des raiders ou quand je vois Damien ralentir sans raison apparente. C’est une épreuve pour moi tout seul. Les arrivées sont un soulagement, quelque soit le résultat, mais je suis mauvais perdant, même pour eux. Et je crois que les chiens ne font pas des chats. Hein Colo et Damien ?

 

Propos collectés par Gilles Seguin. Janvier 2019

Questions suggérées par Béatrice Glinche.

Photos EndorphinMag.fr / ARWC 2018 – Route du Rhum


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