7. « ILS FONT LE TRAIL »

EPISODE#7 : LE COMMUNICANT – Aurélien Colin

Messager de l’outdoor, maitre es-image et Honoris Bon-Mot. Cathodiseur de champions. Faiseur collectif de réussites individuelles, passionné toujours. Drogué à l’O2, facilitateur d’ultras aventures, passeur de sens : on n’y pense pas forcément, et pourtant son rôle est crucial dans ce que l’on appelle désormais « marketing sportif ». Le mot est lâché, comment ça, mon esprit trail contaminé ? On explique. Jetons le cliché bien loin, et éclairons un acteur incontournable de l’outdoor : le communicant, façon Aurélien Colin.
Car sans des gens comme lui, on n’aurait pas beaucoup d’idées. Peu d’envies de nature, pas la niaque pour s’évader dans le Mercantour. La team Hoka s’amuserait, mais pas sûr qu’on ait plaisir à la suivre. Brogniart, Chorier ou Dumarest auraient mené leurs exploits, mais pas facilement. Et pour nous en transmettre quoi, d’abord ? Car si Aurélien Colin conseille, Big Brother et les sirènes capitalistes ne le pervertissent pas forcément ! Aider à, parler pour, ou tenter de mettre des mots et des sensations sur des projets grandeur nature : le beau peut s’inviter partout. Témoignage de convaincu.

Julien Gilleron : Marketing, Com’ et sport : à première vue et pour pas mal d’œillères, des « gros mots » et de l’incompatible. Essayons de voir plus loin…Quel est ton rôle ?
Aurélien Colin : En tant qu’agence de com’ spécialisée dans les sports outdoor, ce que l’on vise avant tout, c’est de conseiller nos clients (marques, athlètes, événements, médias) : à travers des projets, des activations marketing originales et pertinentes. Mais je n’ai rien de solo dans cette aventure d’entreprise ! C’est désormais une équipe, et mon rôle principal est d’y insuffler une vision à nos projets et propositions. Concernant les athlètes, mon job est de leur faire prendre conscience qu’ils sont uniques et qu’ils doivent mettre des choses en place pour que cette singularité soit visible. Visible, c’est vraiment le fil. Tout ce qui se passe après n’est que de « l’opérationnel ». Enfin, on cherche à apporter une solution globale à un projet : qu’il touche au VTT, trail, à l’alpi ou au ski de rando. Tout ce que l’on fait doit toujours être en phase avec notre « claim » (désolé : notre « devise », leitmotiv, credo….au choix pour les ambiances !): Digital X Terrain. La technique/technologie (cad en gros le numérique) pour révéler et transmettre beauté, vérités, nuances…Etc…du terrain. De l’action.

JG : Jeune patron, comment en viens-tu à créer Outdoor Perspectives ?
AC : J’ai toujours fait pas mal de sport – parcours récurrent chez les gens de l’outdoor je crois…10 ans de VTT jusqu’à un bon niveau national, puis débuts en trail au début de mes études, en 2003. Premier 20 bornes, puis plongée dans le plus grand en 2005 avec un 55km. Ma vie venait de changer, les autres me voyaient différemment ! En 2006, j’enfonce le clou et m’inscris à l’UTMB. Là, c’est parti pour l’inconnu le plus total. Expérience incroyable et mouvementée dans cette course de puristes. J’en ai même ramené une clochette (1er espoir) !  
Le trail m’a également permis de me refaire un peu pour des raids multisports. En 2010, diplôme d’école de commerce en poche, je décroche un job de responsable communication chez COMMENÇAL, puis les choses évoluent assez vite….Responsable marketing, les responsabilités sont costaudes et du coup, maturation accélérée ! grâce à la confiance de Max (Commençal). Je vis en Andorre…mais changement de cap en 2012 lorsque je viens m’installer à Annecy pour rejoindre SCOTT Sports France. Un autre type de structure, d’autres connexions avec l’industrie, les athlètes et une ouverture sur l’outdoor. Entre temps, j’attrape le virus du ski-alpinisme…suivent quatre Pierra Menta et autres courses épiques, et la flamme outdoor toujours aussi vivace. 2015, j’y créé donc mon activité : au début, c’est du marketing pour athlètes et marques. Risques, pas de certitudes, la routine exacte de tout créateur de boite, rien de plus talentueux ou d’inné ( ?), faire des heures et y croire. 2020 me rassurerait… : Outdoor Perspectives est devenue une agence de conseil en marketing & communication qui emploie 4 personnes.

JG : Quel fil conducteur te permet de tenir, et de continuer d’y croire durant ces 5 ans de développement ?
AC : Honnêtement, je n’aurais jamais imaginé parvenir au stade où l’on en est lorsque je me suis mis à mon compte. Du genre insatisfait…je cherche toujours à faire mieux, et je crois que j’en attends pareil de mes relations pros. Dur ?! Si l’on craint peu la routine, c’est aussi à cause/grâce à cette sorte de doute, ou de gamberge permanente. Ou quand le tempérament perso déteint sur l’idée d’entreprise….C’est une banalité, vraie et heureuse. Même si je suis hyper critique, lorsque je regarde en arrière, je me dis que l’on a quand même « sorti » quelques projets et idées sympas. Des clients continuent à croire en nous, sur la durée, alors…peut être un mélange équipe passionnée + lubie de vouloir tout trop peaufiner !

JG : Quels moments forts retiens tu de ce parcours in progress ?
AC : Les projets « athlètes » sont les plus marquants humainement : traversées de Stéphane Brogniart (Vosges, Jura, Mercantour), Julien Chorier (Grand Tour de Tarentaise) ou Christophe Dumarest (Granit’Tour)…ces expériences sont un mélange détonnant. Pression, émotions et rigueur obligée, 1 million de détails à checker. On a aussi eu la chance de travailler pour des marques, autour de leurs athlètes, comme les suivis live de l’UTMB® ou la Diag’ (HOKA), du ski alpin (Salomon). Et puis…ce tournage pour une boite de prod’ américaine qui nous a amené à recruter et gérer une centaine de figurants. C’était sport ! mais génial. En fait, j’adore faire du marketing et de la communication sur le terrain. C’est la particularité de l’agence, et en gros, ce qui nous bouge vraiment. Tacher d’être expert dans le digital et sur le terrain, et de connecter les deux.

JG : Une histoire particulière avec un événement, champion, projet ?
AC : Filmer Jim Walmsley en live sur l’UTMB® 2017, c’était du lourd. Fort. Et certainement la course la plus relevée de ces 10 dernières années. Jim débarquait avec sa gouaille, de grandes ambitions, personne ne le connaissait vraiment sur ce format. En début de course, il était juste insolent de facilité. Une sorte d’easy running démentiel ! Puis voilà qu’à Champeix, je le filme presque une heure au ravito, au bord de l’abandon…et à Trient il court de nouveau sans toucher le sol ! (La foulée de Jim, quoi). C’était dingue. Dans ces moments, avec la nuit blanche, l’erreur est facile et on peut se laisser emporter par la passion : mais il faut se tenir, des gens nous suivent en live ! et il faut rester concentré sur ce pourquoi on est là.

JG : Le pire dans cette activité ?
AC : comme tous ceux qui créent leur activité, mon job repose sur un rêve bien concret : le concevoir de toutes pièces, pour qu’il te convienne du mieux possible ! Outre administratif qui prend pas mal de temps quand on a des salariés, c’est souvent la frustration du manque de temps pour aller en montagne – courir, skier, rouler, grimper – qui me frustre.


JG : Tu enseignes parfois aussi, auprès d’étudiants. Que dirais-tu de l’état de la chose « trail », en cet instant T ?
AC : Vaste sujet ! Je suis partagé, car effectivement la discipline a explosé ; beaucoup de gens ont renoué avec le sport et la montagne. Mais on touche aux limites : un an à l’avance pour s’inscrire sur certaines courses, des organisateurs qui doivent instaurer des mesures aseptisant la notion d’aventure…qui fait pourtant partie des fondamentaux de ce sport. En parallèle, la médiatisation des courses, l’implication des marques, etc, ont rendu le trail plus crédible en tant que compétitions où la performance n’est pas simplement liée à de l’endurance, mais bien à des qualités athlétiques. Je dirais plutôt que le trail est en train de s’ajuster. Certaines épreuves mourront, d’autres doivent être fédérées (dans un circuit ?) pour que l’élite soit mieux reconnue. L’important dans tout cela, c’est de ne pas perdre ses racines !

JG : Prochains projets excitants – hormis le quotidien ?
AC : On est en charge de l’organisation d’un bel événement de trail pour une marque d’outdoor. Ça devait se faire au mois de mai mais c’est décalé d’un an pour cause de Covid-19. Tiens donc…Du coup, à court terme, on va se concentrer sur des projets persos d’itinérance, à travers un ou deux massifs français. Encore (presque) secret mais presque plus…

Texte Julien GILLERON
Photo HOKA-UTMB-2019-┬®P.Verticale_R.BLOMME_1545


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